Période du 1 janvier au 16 Janvier
Météo : pluie (!!), soleil, brise légère
Ambiance : française, coloniale

Fidèles à nous même, nous commençons l’année 2008 en reprenant la route, direction Salem pour traverser l’Inde et rejoindre la côte Ouest. En quittant la côte, la chaleur se fait moins moite et les paysages changent imperceptiblement : l’ambiance dominante est toujours à la verdure, mais les arbres remplacent peu à peu les cocotiers. Nous quittons le Kerala pour la Tamil Nadu. Première bonne surprise : nous trouvons enfin un vendeur capable de recharger notre téléphone au lieu de nous proposer la Nième nouvelle Sim-card. Deuxième découverte : après l’omelette mangée à même les doigts dans le Kerala, place à l’omelette servie sur une feuille de bananier (= zéro vaisselle ! ), solution à la fois écologique et pratique.

Char boeufHanuman

Nous croisons un cortège funéraire d’un jeune homme d’une trentaine d’années, le corps est allongé sur un char à la vue de tous et accompagné par une cinquantaine de personnes lançant des fleurs et devisant paisiblement. Pas de noir, pas de tristesse, la vie tout simplement.

A l’approche de Pondichery, une autre surprise nous attend ; cette fois, il s’agit d’un énorme tas de paille étalé sur la route. Barrage ? Chargement perdu d’un camion? Nous mettons un petit instant à comprendre qu’une participation active à l’activité agricole de la région est attendue de notre part : briser la paille en roulant dessus avec Shere Khan. La même opération se reproduira encore plusieurs fois.

Route paille

Le 4, nous rallions Pondichery dans l’après-midi et prenons position dans le quartier français afin de nous immerger dans cette « Inde française ». On se croirait dans une petite ville provinciale française, les vaches, les rickshaws, les moustiques et les poubelles en plus. Sensation étrange que de passer devant le Lycée français ou l’Hotel de l’Orient. Les noms des rues sont en français

plaque rue

les rues sont un alignement de belles bâtisses créoles et de petites maisons charmantes, les boulangeries proposent de la baguette et, début janvier oblige, de la galette ! Pour finir, même la météo se met à l’heure française, et nous gratifie de deux jours de pluie quasi-ininterrompue ; du jamais vu à cette époque de mémoire de pondichérien. L’ambiance dans Shere Khan tourne morose et nous songeons sérieusement à aller nous poser plus loin, mais que la baguette est bonne … . Et puis, nous allons saluer des bourguignons rencontrés à Pushkar et installés à Pondi pour une année; la mayonnaise prend tout de suite, et de discussion en discussion, le soleil reprend le dessus, nos habits sèchent et nos envies de lointains horizons se mettent en veille.

Nous mettons donc le cap sur Auroville, située à 8 km de Pondichery. Il s’agit d’une communauté spirituelle fondée par Mère en 1968 et nous sommes curieux d’en observer le fonctionnement. Dense forêt (à la création d’Auroville, des bénévoles ont planté plus de deux millions d’arbres ) parcourue par une multitude de pistes. La première approche est décevante : fléchage sporadique, accueil froid, il n’existe pas de centre de village et l’ensemble ressemble plus à un énorme labyrinthe qu’à une communauté accueillante. Notre recherche d’un campement nous conduit au guesthouse de Jean Marc et là, tous les ingrédients sont réunis pour re-sédentariser les nomades que nous sommes devenus : une belle maison meublée avec goût, un jardin exubérant, une piscine et surtout le sens de l’hospitalité de Jean Marc, dont la maison devient la nôtre.

Guesthouse jean-MarcC’est notre coup de coeur du moment , et nous le conseillons à tout voyageur de passage dans le coin : « http://www.lantanahouse.blogspot.com »

Petit à petit, nous approchons quelques aurovilliens et arrivons à mieux cerner le fonctionnement de cette communauté qui est en fait constituée d’environ 200 sous-communautés.

Ecole Auroville Environ 1800 personnes de 35 nationalités essaient de trouver un juste milieu entre spiritualité et vie quotidienne, ce qui s’avère pas toujours facile, mais l’expérience a le mérite d’exister. Roland et moi prenons un rendez-vous pour visiter le Matrimandir, point d’orgue d’Auroville, énorme sphère entièrement dédiée à la méditation. Visite impressionnante : ici, le silence s’entend.

Auroville

Pour les enfants, à côté de la piscine, c’est régime CNED intensif – pas toujours facile de concilier nomadisme et rigueur d’un programme d’étude – et pour Shere Khan, c’est check-up et lifting général. A notre grande déception, les freins que nous avions commandé à Ford Dehli ont disparu de la circulation (Shanti India!) et il nous faudra une fois de plus faire appel au soutien logistique français (merci Babeth!) pour les faire expédier de France. Mais que l’attente est douce à l’ombre d’une terrasse en sirotant enfin de nouveau un vrai bon chaï!

C’est ainsi que nous découvrons la fête de Pongal, quatre jours pour remercier les dieux des richesses de l’année et neutraliser les mauvaises énergies. La deuxième journée est consacrée au Dieu soleil et depuis le début de la journée, le Lantanaguesthouse connait une activité frénétique pour préparer la célébration.

Dessin Pongal

Chaque tableau d’une divinité a droit à ses fleurs, le sol devant la maison est décoré d’un magnifique dessin multicolore;

 

 

dans la cuisine, on prépare plats et sucreries. De cette fête, je retiendrais surtout le rire de Vali, la cuisinière et aide de Jean Marc, qui a virevolté d’une pièce à l’autre pendant toute cette journée, joyeuse comme une enfant le jour de Noël.

C’est dans cette belle ambiance que j’apprends que ma vie de nomade a encore de beaux jours devant elle : un mot laconique de la secrétaire de mon lycée m’informe que mon poste a été supprimé – 17 ans de travail balayé … Qu’il est difficile de faire le lien entre les discussions humanistes qui nous réunissent ici et cette victoire de la logique économique sur toute autre considération. A moi maintenant de ne pas me laisser gagner par l’amertume et de vivre ce revers comme une belle opportunité à saisir. Une raison de plus pour apprécier chaque minute de ce voyage, les sourires lumineux des indiens, la cacophonie de leurs klaxons, l’élégance des saris, la saveur des épices, la nonchalance des vaches et mille autres choses à venir encore.